Eh oui... Une lubie d'Hitler... Mais comme les autres, il se cassera le dents... Finalement, un seul a réussi la traversée : Guillaume qui n'a pas été appelé Conquérant pour rien...

Mais revenons en 1940... Texte que j'ai écrit pour l'almanach du Normand...

 

Les Allemands sont entrés au Havre le 13 juin 1940 et vont utiliser le port comme base de leur futur débarquement en Angleterre – débarquement qui n'aura jamais lieu comme chacun sait. Mais à cette époque, ils y croyaient... surtout Hitler. Ne pouvant réussir à transformer les Anglais en alliés, il décida tout bonnement d'envahir leur sol. Plus facile à dire qu'à faire...

Le plan de cette opération appelée « Seelöwe » (otarie ou lion de mer) est prêt. Mais pour la réaliser, trois conditions sont indispensables. En premier lieu, la maîtrise de l'air. Les Allemands disposent de près de 3 000 avions tandis que les Anglais n'en ont qu'un peu moins de 1 500. Sur le papier, c'est gagné... La réalité sera toute autre. Ce sera la bataille d'Angleterre qui durera 80 jours d'août à septembre 1940 et verra la défaite de la Luftwaffe de Goëring. Les Havrais verront des avions des deux bord dans leur ciel. Pour lutter contre la RAF, les Allemands installent une Flak puissante (défense contre avions) au Havre.

La deuxième condition est tout aussi impérative : la maîtrise des mers, dans le cas qui nous occupe la Manche et la Mer du Nord. Le port du Havre est tout indiqué pour recevoir une flottille, notamment les 5è et 6è flottilles de contre-torpilleurs composés de navires qui ont participé à l'invasion de la Norvège. A cela doit s'ajouter la 1ère flottille de torpilleurs, trois flottilles de dragueurs, trois flottilles de patrouilleurs ainsi que des vedettes lance-torpilles.

Cette flotte, importante, quoique légère, doit au départ du Havre escorter la flotte de transport appelée flotte E et mener les troupes de débarquement entre Brighton et Selsey Bill.

La troisième condition nécessaire au succès de l'opération consiste à réunir une flotte suffisante au transport des troupes. Les trois conditions sont évidement liées et la non réalisation de l'une compromet gravement le succès de Seelöwe... Voilà ce qui était prévu dans les plans du Führer... toujours fidèle à son instinct plus qu'à une tactique élaborée.

Elles ne seront remplies ni l'une ni l'autre... On a vu que la RAF avait eu le dessus sur la Luftwaffe. La maîtrise de la mer ? Il ne saurait en être question... La « Royal Navy » est bien trop puissante... Quant à la troisième condition, la flotte E restera incomplète. Elle devait comprendre 50 transports (paquebots et cargos) et 100 chalands de mer transformés pour le débarquement : on a coupé et fermé l'avant par une porte basculante afin de permettre aux chars de débarquer. Il devait y avoir aussi des remorqueurs capables de tirer chacun 3 péniches, 200 petits bâtiments à moteur, des bateaux de pêche à voile et moteur auxiliaire. Quelques-uns de ces navires s'installèrent dans le Bassin du Commerce, les plus petits évidemment...

En attendant la première partie de l'opération (la maîtrise du ciel), les soldats allemands déambulent dans les rues du Havre et lorgnent avec gourmandise vers les côtes du Calvados qu'ils prennent pour celles de l'Angleterre. Mais non, l'Angleterre n'est pas dans cette direction ! En France, on se moque de ces préparatifs et les chansonniers de Montmartre s'en donnent à cœur joie (voir dans « Un soldat de l'ombre » du même auteur : « Pour rire un peu sous la botte »). L'histoire qu'on prête à un coiffeur havrais a aussi pu se dérouler ailleurs. Le « merlan » présente le peignoir au soldat qui vient se faire coiffer et lui demande avec un beau sourire : « Voulez-vous passez la manche ? » A un autre qui a du mal à enfiler son manteau, il dit finement : « C'est dur de passer la manche... » C'est déjà de la résistance, mais une résistance naïve, celle par exemple qui consiste à porter une tête d'épingle à la boutonnière : c'est un signe de ralliement... Les mois à venir la rendront plus implacable, mais plus efficace.

Pendant ce temps, le Bassin du Commerce se remplit doucement mais sûrement, des barques de pêche récupérées en Hollande, dont on coupe le nez... La ville se remplit de troupes qu'il faut loger. La rumeur court que les Allemands ont tenté un premier débarquement qui a échoué : les Anglais avaient répandu et enflammé de l'essence sur la mer. Qu'est-ce qui justifie cela ? Les hôpitaux de la région de Rouen accueillent des soldats brulés. C'est vrai... mais si un essai de débarquement a bien été fait, c'est sur les côtes de France, une répétition en quelque sorte, et on avait voulu voir comment les troupes franchiraient une mer en feu... Échec total... qui découragera le führer et lui fera abandonner le projet à la fin de l'hiver.

Mais en septembre on y croyait encore... Le 15 un grand dîner est donné au Casino. On murmure même que Goëring est là mais cela semble improbable. Des officiers des trois armes paradent dans leur bel uniforme : vert pour la Wehrmacht, gris pour la Luftwaffe et bleu pour la Kriegsmarine. Quelques femmes « du monde » ou « de petite vertu »... selon les opinions des uns et des autres, se mêlent aux convives. Soudain la flak commence un tir nourri car quelques avions téméraires ennemis viennent troubler la fête.

Les mangeurs se pressent sur la terrasse pour admirer le spectacle. Soudain, un événement non prévu au programme se produit : des bombes éclatent sur la terrasse, au milieu de la fête... On ramassera 40 tués, hommes et femmes mélangés, souvent en petits morceaux, mais égaux dans la mort...

Les semaines s'écoulent et les Allemands comprennent que l'invasion de l'Angleterre n'est plus d'actualité... Elle sera reportée « sine die » et jamais reconduite...


(J'ai trouvé ces renseignements dans le livre « Le Havre sous l'Occupation 1940-1944 » de Georges Godefroy, livre qui n'existe plus maintenant...)

 

 

 

 

 

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