Je vous ai délaissé pendant quelques mois... mais on ne fait pas toujours ce qu'on veut...

Bref ! Voici une histoire vraie qui montrera s'il en était besoin l'évolution de la Société...

Il ne s'agit pas du même congrès que de nos jours... Laissez-moi vous conter cela...

Au XVIIè siècle, les femmes qui voulaient se séparer de leur mari n'avaient qu'une solution : faire démontrer l'impuissance du mari. Mais attention : pas n'importe comment ! Il lui faut passer une épreuve pénible... et le mot est faible... Le mari doit « honorer » sa femme en public et prouver qu'il est capable d'être un mari. Le tribunaux épiscopaux ont appelé cet « examen » le congrès... Mais au fil des années, on note de moins en moins de congrès... et c'est tant mieux...

Cependant, le marquis de Langey le demanda en 1659 !

CCe jeune gentilhomme, plutôt bien de sa personne, a épousé en 1653 une jeune femme et le couple semble heureux. Aussi, imaginez la surprise de la famille parisienne de l'épouse quand elle lui dit qu'elle est toujours jeune fille... On lui conseille d'intenter une action devant le lieutenant civil du Châtelet. Prévenu, le marquis accourt pour s'opposer à la procédure. Las ! Elle est déjà en route ! La cousine de la jeune marquise a demandé qu'elle soit « visitée » par douze experts au lieu des quatre prévus par la loi.

Dans Paris, on glose... on s'en doute. La chose n'est plus si fréquente... La « visite » est prévue au Châtelet. Il y a tant de monde que les rues avoisinantes sont encombrées. Passant par hasard, Mme de Sévigné et Mme de Lavardin rient si fort que leur carrosse en est tout secoué... Cela n'est guère charitable...

Le marquis de Langey est l'objet de plaisanteries plus que douteuses...

La « visite » tourne à la confusion de la jeune marquise. Elle n'est plus jeune fille, comme elle le prétend... et s'en étonne, prétendant que son mari ne s'est livré qu'à « des travaux d'approche »... Cela fait la joie des loustics qui lancent des joyeusetés...  Je vous en fais grâce...

L'affaire aurait pu en rester là, Langey semblait sortir vainqueur de cette épreuve. Le temps aurait fait son œuvre apaisante. Mais il ne l'entend pas de cette oreille. Les quolibets dont il est l'objet l'incitent à demander lui-même le congrès... Il faut l'accord de sa femme, bien entendu. Elle n'est pas très favorable et met deux ans à accepter. A Paris, les conversations vont bon train. Langey est appelé le marquis du congrès... C'est sûr, il aurait dû abandonner... Mais il est entêté.

Le jour du congrès, il y a tellement de monde faubourg Saint-Antoine que des archers doivent contenir la foule, qui cette fois est hostile à le jeune femme. N'a-t-elle pas menti la première fois ?

Langey a formulé des exigences qui sont acceptées. Il craint que sa femme n'use de « restringents » afin de contrarier. Il demande aussi qu'elle ait les cheveux dénoués car elle pourrait cacher quelque talisman dans son opulente chevelure. Il pense ainsi mettre tous les atouts de son côté.

Tallemant des Réaux a conté l'affaire que je vais vous résumer avec tout le tact voulu...

Avant de se mettre au lit, Langey demande deux œufs frais. Puis il s'activa du mieux qu'il put. Il avait pris des drogues pour l'aider... Mais rien à faire... Inutile de dire que sa femme ne l'aidait pas du tout ! On s'en serait douté !

En sueur, pestant, jurant, il dut changer deux fois de chemise. Il crut arriver mieux en invoquant le ciel, ce à quoi sa femme fit remarquer qu'il n'était pas là pour cela !

N'oublions pas que tout cela se faisait devant un nombreux public, dont des « juges » chargés de vérifier que tout se passait bien... Mme Bezé, 80 ans au compteur, était chargée de ces vérifications. Elle venait sans arrêt voir « de près »... le pauvre marquis qui s'échinait en vain, et lançait à la ronde :«  Rien à faire... il n'arrive pas... » ce qui avait le don de remonter le moral au marquis, on s'en doute...

Cette épreuve devait durer un temps qui était compté. Quand il fut expiré, on fit lever les deux protagonistes... et le marquis s'écria : « Je suis ruiné ! »

Ruiné, je ne sais... Discrédité aux yeux de tous, certainement. Le Parlement annula le mariage, on glosa une fois de plus. Les mauvaises langues se moquèrent du malheureux marquis. On ne dit plus un homme impuissant, mais un Langey...

Le marquis était un homme fini... Pas tout à fait !

Il se remaria et avec sa nouvelle épouse il eut six enfants...

Qu'ajouter à cela... sinon stigmatiser la bêtise et l'ignorance de cette époque qu'on appela pourtant « le Grand Siècle »... Dans certains domaines, peut-être... mais pas dans tous...

(sources : « Histoire des Françaises, tome 2, la révolte » d'Alain Decaux, Librairie Académique Perrin, 1972)

(NB : les photos éventuelles ajoutées à l'article ne sont pas de mon fait... Qu'on se le dise !)

 

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