Dans les veillées autrefois, lors des longues soirées d’hiver, devant un feu dans lequel on avait jeté une bourrée, la famille et les voisins se réunissaient pour écouter des histoires. Les histoires de fantômes et revenants étaient très prisées. Les jeunes enfants se cachaient sous les jupes de leur mère et l’auditoire frissonnait. Car il s’agissait d’histoires à vous faire dresser les cheveux sur la tête… En voulez-vous un exemple ? Vous l’aurez voulu !


Il y a très très longtemps, dans le pays de Bray, dans un château fort qui dominait l’Epte, vivait un puissant seigneur. Il était redouté de tous car dur avec les autres, comme il l’était avec lui-même. Il avait une fille, Alix, dont la beauté était grande. Les jeunes seigneurs des alentours voulaient tous l’avoir comme épouse. Son cœur avait choisi un beau voisin, Robert de Tierceville. Mais allez savoir pourquoi, les pères n’ont que rarement les mêmes opinions que leurs enfants… Le père avait donc choisi un autre prétendant, le sire de Bezancourt. Il ne voulait pas d’autre gendre que lui…

La fille essaya bien de résister au désir de son père, en vain. Une fille doit obéir en tout à son père ! De désespoir, Alix faillit mourir de chagrin. Robert de Tierceville ne fit pas que faillir : il trépassa de douleur en se rendant compte qu’il n’aurait jamais Alix. On l’enterra comme son rang l’exigeait et on n’y pensa plus.

On n’y pensa plus ? On aurait certes voulu ne plus y penser. Mais voilà : on l’aperçut de nombreuses fois, errant seul dans la forêt, comme une âme en peine – ce qui ici prend tout son sens – murmurant à voix à peine audible le doux nom d’Alix. Même certains affirmèrent avoir vu son âme voleter dans la forêt sous la forme d’une flamme bleue.

Alix résista longtemps mais un jour, lasse et résignée, elle accepta comme mari le sire de Bezancourt. La cérémonie de mariage se déroula d’abord avec tout le faste voulu comme il sied à la fille d’un puissant seigneur.

Alors que la noce, mariés en tête, allait pénétrer dans l’église pour la cérémonie religieuse, un fantôme apparut, enveloppé d’un linceul. Il fit un geste, saisit Alix par le bras et se dirigea vers le cimetière, suivi par toute l’assistance comme  ensorcelée. Resté seul au bas des marches de l’autel, le prêtre criait à la diablerie mais était incapable de bouger.

Arrivé devant une tombe ouverte, un prêtre inconnu en sortit et bénit les deux ex fiancés. Car le fantôme était celui de Robert de Tierceville. Saisie d’un délire diabolique, toute la noce se mit à danser devant la tombe ouverte. Au bout d’un moment le spectre s’écria d’une voix… sépulcrale :

- « Retirez-vous maintenant tous.

Puis s’adressant à Alix et désignant la tombe :

- Voici notre lit nuptial… »

Alix et Robert entrèrent dans le caveau, se couchèrent. La pierre tombale se referma.

On ne revit plus jamais Alix…

 

Allez... dormez bien ! et à plus...

 

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