Un conte maintenant pour changer...

Un conte populaire de Bretagne m'a inspiré cette histoire que je vous soumets. Elle est parue dans l'Almanach du Breton 2009.

 

 

Il y avait autrefois sur la côte sud de Bretagne une auberge pimpante tenue par un couple d'aubergistes sympathiques et affables. Comme la façade était entièrement blanche, les voyageurs avaient pris l'habitude de la désigner sous le nom d'auberge blanche et les propriétaires avaient accepté cette appellation. L'auberge blanche était réputée à la ronde pour son accueil chaleureux et les voyageurs qui circulaient dans la région en avaient fait leur étape favorite. On disait même que leurs chevaux, qui y trouvaient aussi leur pitance, la connaissaient si bien qu'ils n'était pas besoin de les conduire pour qu'ils trouvent leur chemin.

Par un beau soir du mois de septembre, alors que Youen, l'aubergiste, prenait le frais sur le seuil après une chaude journée comme l'automne sait en réserver dans ce coin de Bretagne, un cavalier se présenta tout couvert de poussière. Cependant, son maintien et ses vêtements indiquaient un personnage important. Il s'approcha de l'aubergiste, porta sa main à son couvre-chef et demanda de la voix de celui qui a l'habitude de commander:

-  «  Je voudrais souper ce soir chez vous, puis avoir une chambre pour la nuit. Bien sûr, vous vous occuperez aussi de mon cheval !

-  Faites excuse mon bon Monsieur, répondit Youen en soulevant aussi son chapeau, mais si je puis vous fournir à souper et m'occuper de votre cheval, il ne m'est pas possible de vous donner une chambre car les six que nous possédons sont occupées par des voyageurs qui se rendent à la foire de Guémené. Vous m'en voyez navré.

-  Cela est fâcheux... répondit le cavalier... Mon cheval trouvera le gîte et le couvert... et son maître restera dehors  ! Cela ne se peut  !

-  Monsieur, croyez bien que j'en suis fort marri... Mais l'auberge est pleine et je ne puis vous proposer que la chambre rouge.

-  Eh bien  ! Qu'attendez-vous alors  ?

-  C'est que... depuis que je suis ici, je n'ai donné cette chambre que deux fois. Les deux hommes qui l'ont occupée avaient le lendemain matin les cheveux aussi blancs qu'ils étaient noirs la veille...

-  Essayez-vous de me dire qu'il y a des revenants dans votre chambre rouge  ?

-  Par ma foi, oui Monsieur !

-  Alors, prions Dieu et la Vierge, et allez faire du feu dans cette chambre car j'ai froid  !  »

Après avoir soupé, le voyageur monta se coucher. Les murs de la chambre étaient d'un rouge sang, avec au fond un grand lit fermé par des rideaux. Le reste était totalement vide. Le vent sifflait lugubrement dans la cheminée et les flammes jetaient sur les murs des grandes taches rougeoyantes.

Après une courte mais ardente prière, le voyageur se coucha, l'âme en paix.

Vers minuit, il fut réveillé par des bruits bizarres. Quelqu'un tirait les rideaux du lit. Il se redressa et voulut descendre, mais ses pieds touchèrent un objet glacé. Il vit devant lui un cercueil recouvert d'un grand drap noir parsemé de larmes argentées, avec quatre cierges aux coins. Il se tourna vers un autre côté mais le cercueil fut plus rapide et lui barra à nouveau le passage.

Cinq fois il essaya de descendre de ce maudit lit, cinq fois le cercueil se retrouva sous ses pieds pour l'en empêch. Il comprit alors qu'il était vain de continuer. Il s'agenouilla sur le lit, se signa et demanda d'une voix sourde:

-«  Qui es-tu et que veux-tu  ? Parle sans crainte, c'est un chrétien qui t'écoute.

Du cercueil sortit alors une voix caverneuse qui dit:

-  Je suis un voyageur comme toi, assassiné par ceux qui tenaient l'auberge avant celui qui y vit maintenant. Hélas pour moi, je suis mort en état de péché et depuis tout ce temps je brûle dans les flammes du purgatoire.

-  Que veux-tu pour soulager ta peine  ?

-  Il me faut six messes dites à l'église de Notre Dame du Folgoat par un prêtre en étole noire et blanche; ensuite un pèlerinage à Notre Dame de Rumengol par un chrétien qui le dédiera à mon intention.  »

Dès qu'il eut terminé de présenter sa requête, les cierges s'éteignirent, les rideaux se fermèrent et la chambre retrouva le calme. Profondément ému par cette détresse, et désireux de la soulager, le voyageur, qui était un fervent chrétien, pria longuement avant de trouver le sommeil. Le lendemain, il conta par le menu l'affaire à son hôte et lui déclara  :

  • «  Je suis M. de Pontcallec, un nom fort connu et respecté en Bretagne. Je vous assure que je ferai dire les six messes et j'accomplirai le pèlerinage à Rumengol pour libérer ce pécheur. Son âme sera délivrée et votre auberge retrouvera sa quiétude et les voyageurs pourront y dormir sans crainte.  »

Un mois plus tard, la chambre rouge avait perdu sa couleur sang. Elle était redevenue une chambre comme les autres, aux murs blancs et gais. Elle avait retrouvé son mobilier  : en plus du lit, une grosse armoire de chêne, des chaises, et surtout, un crucifix accroché au mur...

La parole de M. de Pontcallec avait été tenue.

 

Allez, à plus !

 

 

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