Voici une histoire que j'ai lue dans le livre de Louis Pauwels et Guy Breton (éditions Albin Michel 1977). Après l'avoir réécrite à ma façon, je vous la livre car elle me paraît très intéressante.

 

 

 

L'histoire que Martin venait de raconter à son curé était si étonnante que ce dernier avait du mal à le croire. Pourtant il connaissait bien le brave Martin, cultivateur à Gallardon, pas très loin de Chartres. Il était en train de fumer son champ, quand un petit bonhomme habillé comme sous Louis XVI, avec un habit bleu et un haut de forme, apparut devant lui et lui dit :

-« Va trouver le roi Louis XVIII à Paris et répète-lui tout ce que je vais te dire...Il y va de sa vie et du sort de la France... (nous étions en 1816)

La chose faite, le petit bonhomme disparut. Martin avait reconnu l'archange saint Michel et la chose lui parut normale. Le curé voulut connaître ce que l'homme en bleu lui avait confié, mais Martin assura qu'il ne le dirait qu'au roi ! Plus facile à dire qu'à faire...

Devant son insistance, le curé amena son paroissien à l'évêque de Chartres, qui fut tout aussi sceptique que son curé mais qui, par précaution, prévint le préfet d'Eure-et-Loir.

Une enquête fut menée au sujet de Martin. Il était complètement irréprochable et mis à part son entêtement à vouloir rencontrer le roi, il paraissait normal. Ne sachant trop quelle attitude prendre, le préfet envoya un rapport au ministre de la police à Paris. Ce dernier désira en savoir plus long.

C'est ainsi que le sieur Martin, laboureur en Beauce, prit la diligence pour Paris, aux frais de l'Etat, accompagné d'un lieutenant de gendarmerie. Mais on ne rencontre pas le roi comme cela ! Les deux hommes, le surveillant et le surveillé, logèrent dans la même chambre de l'hôtel de Calais rue Montmartre. Martin confia au gendarme qu'il priait souvent et que ce n'était pas la première fois que l'archange St Michel lui parlait, mais en revanche la première fois qu'il lui apparaissait. C'est pour cela que la chose lui avait paru normale.

Cependant les ordres tardaient un peu... et le gendarme conclut que le laboureur était un peu « fêlé de la touffe »... ce qui ne l'empêchait pas d'être un bon gars ! Enfin, une convocation arriva annonçant que le ministre de la police, le comte Decazes, l'attendait dans son cabinet. Le ministre exigea tout savoir de ce que l'homme bleu avait dit à Martin.

  • - Que non, Monsieur le Ministre ! s'écria le laboureur. Je ne dirai qu'au roi !

  • La-dessus, le comte Decazes demanda de conduire le brave Martin à Charenton... Notre homme n'en conçut nulle affliction. Il était investi d'une mission et mettait toute son énergie à l'accomplir. D'autre part, il était bien traité, la nourriture était bonne. Mais les meilleures choses ont une fin... si l'on peut dire... On vint le prévenir qu'il serait reçu par le roi le 2 avril 1816 au palais des Tuileries.

  • Ce jour-là on vit un spectacle rare : un roi accueillir un laboureur :

  • -Bonjour, cher Martin.

  • -Bien le bonjour, Majesté.

  • Les deux hommes s'enferment, le temps passe, et au bout d'une heure sortent. Le roi a les yeux rouges, comme s'il avait pleuré... Il raccompagne le laboureur et lui murmure d'une voix presque éteinte :

  • -Martin, voici des choses qui doivent rester entre nous !

  • Et puis Martin s'en retourna au pays comme si rien ne s'était passé et reprit sa charrue. Il ne dit rien à personne de la conversation qu'il avait eue avec le roi, pas même à sa femme... Il a promis le silence, il tient parole. De temps en temps, on voit ves carrosses dans les rues de Gallardon. Des gens importants viennent voir Martin. Les années passent, Louis XVIII meurt, son frère Charles X lui succède. Il se croit encore roi absolu, comme si la Révolution et l'Empire n'avaient pas existé... La Révolution est inévitable. Ce sont « les Trois Glorieuses » de juillet 1830. Cependant, le roi dispose encore de troupes fidèles, mais il hésite à se heurter de front aux insurgés. Que doit-il faire ?

  • C'est alors qu'il se souvient de Martin qui avait vu l'archange saint Michel, que son frère avait reçu avec beaucoup de prévenance et qui avait même pleuré en apprenant « certaines choses »... On raconte que Martin dit souvent : « S'il avait fait ce que je recommandais, la France serait paisible aujourd'hui ». On n'a pas écouté Martin... et voilà les malheurs qui fondent sur la monarchie.

  • Martin ! Le voilà devenu l'homme providentiel. Le vieux roi croit au merveilleux... C'est d'ailleurs tout ce qui lui reste... Il demande alors à son aide de camp, M. de la Rochejacquelein, de se rendre auprès du laboureur de Gallardon. Il galope bientôt à francs étriers vers le village beauceron et trouve avec maintes difficultés la maison de Martin. C'est le petit matin. Il frappe et un bonhomme en chemise vient lui ouvrir.

  • -Monsieur Martin, au nom du roi...

  • -Ne vous donnez pas la peine, l'archange vient de tout me raconter... J'ai la réponse...

  • Et l'on assiste une fois de plus à une scène étrange, La Rochejacquelein à cheval, Martin en chemise, pieds nus, à la porte. Il dit :

  • -Charles X ne remontera pas sur le trône. Une main le repousse. Il n'a d'autre parti que de sortir de France tout de suite. Le duc d'Angoulème (fils aîné de Charles X) et lui mourront à l'étranger, sans avoir revu la France. Henri V ne régnera jamais. »

  • Tout est dit. L'aide de camp repart et rapporte au roi le message de Martin. Toute la journée, il réfléchit et finalement décide d'abandonner la lutter et de partir.

  • Un laboureur a décidé du sort de la France...

(A suivre, si vous voulez en savoir plus...)

Allez, à plus !

 

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