Les plus jeunes ne connaissent vraisemblablement pas l'acteur Noël Roquevert. Il fut l'un sinon le meilleur "second rôle" du cinéma français des années 1950...

Voici une histoire que j'ai trouvée dans le livre d'Yvon Floc'hlay)

 «  Noël Roquevert, l'éternel rouspéteur  ».

 

Non, Noël Roquevert ne portait pas la barbe... seulement dans certains films  !

En 1953, il tournait «  Mourez... nous ferons le reste  », un film de Christian Stengel. Il interprétait le rôle de M. Mathurin, le centenaire, qui embêtait tout le monde parce qu'il ne voulait pas mourir. On le comprend... C'était un vieux marin et Noël Roquevert n'avait eu aucun mal à entrer dans la peau du personnage car des vieux marins, il en côtoyait des dizaines chaque jour à Douarnenez.

La vedette de ce film était Roger Nicolas («  écoute... écoute...  »), l'amuseur numéro un de ces années 50, bien oublié maintenant... Le rôle du maire était tenu par Antoine Balpêtré qui s'adonnait un peu trop au «  gros rouge  » à l'époque. Pour l'aider à retrouver son chemin dans le décor, ses petits camarades mettaient une bouteille de vin à chaque coin des rues. Ainsi il ne se perdait jamais. Mais il mettait un certain temps à arriver... et d'autre part il avait «  du vent dans les voiles  »...

C'étaient des jeux «  innocents  » auxquels se livraient alors les acteurs, sans penser à faire mal à quelqu'un qu'ils aimaient bien. La rigolade primait sur le reste. Mais Roquevert l'a avoué plus tard  :  «  Nos jeux n'étaient pas très intelligents. La vieillesse rend l'homme sage et intelligent...  »

On trouvait aussi dans ce film Roland Armontel, Robert Dalban, Magali Noël, Max Elloy... et bien d'autres.

Pour en revenir au centenaire, il devait porter une barbe en collier. Le jeune directeur de production demanda à Roquevert;

-  «  Voyez-vous quelqu'un pour fabriquer cette barbe?

-  Il n'y en a qu'un, répondit l'acteur  : Pontet !

-  Ah non  ! Pas Pontet 

-  Mais... pourquoi  ?

-Il est bien trop cher  !

-  Peut-être, mais c'est le seul qui vous fera une barbe postiche d'excellente qualité  !  »

Le directeur de production n'a rien voulu savoir. Roquevert s'est incliné mais au fond de lui pensait  : on verra bien qui a raison...La production a donc commandé une barbe chez un fabriquant de Paris et on a pu commencer à tourner. A la projection des «  rushes  », le metteur en scène a dit à l'acteur:

-  «  Tu iras demain à Nice afin qu'on t'arrange cette barbe  ; elle est dégueulasse ! On ne peut pas continuer à travailler ainsi.  »

C'est ce qui fut fait. Roquevert riait sous cape. Le surlendemain, on a continué à tourner mais à la vue des nouveaux «  rushes  », il était évident pour tout le monde que cette barbe était fausse. Alors, que dire des futurs spectateurs...

-  «  Ah  ! Roquevert, fit le metteur en scène, ça ne va pas du tout  ! Cette barbe n'est pas bien faite  !

-  Je le sais bien... Mais que voulez-vous que j'y fasse  ? Je vous ai pourtant prévenus, mais votre directeur de production a cru être plus fort que moi. Il m'a dit  : ce sera cette barbe et pas une autre  !

-  Mais alors... que peut-on faire  ?

-  Alors là... Vous faites ce que vous voulez  ! Débrouillez-vous  ! Moi, j'attends  !  »

Ils ont alors fait venir de Paris un maquilleur russe. Il a longuement considéré la barbe et décidé de s'arracher les cheveux pour les coller dessus afin de la rendre plus réaliste. Hélas  ! Le résultat n'était pas meilleur. Le postiche n'était pas de bonne qualité. Il n'y avait rien à faire.

La production se demandait bien comment sortir de cette situation embarrassante lorsque quelqu'un a avancé le nom de Pontet... C'était trop. Roquevert a éclaté.

-  Ça alors, c'est un peu fort  ! Voilà plus d'une semaine que j'ai proposé Pontet  ! Vous avez refusé parce qu'il était trop cher. On a fait une barbe, elle n'allait pas du tout, bien sûr... Je suis allé à Nice pour qu'elle soit arrangée, sans résultat. Un gars est venu de Paris sans que la fameuse barbe m'aille mieux. Et au bout du compte vous acceptez Pontet. Vous ne croyez pas que vous auriez dû prendre cette bonne décision plus tôt  ? Pontet était trop cher... mais les jours perdus à ne rien faire en attendant la barbe... ils n'ont rien coûté  ? Les frais de déplacement pour n'arriver à rien... c'était gratuit  ? M.... alors  !

Pontet a bien entendu demandé un délai de deux jours pour fabriquer le fameux postiche et lorsqu'il l'a envoyé, la barbe était évidemment parfaite  ! Le tournage a pu continuer. Mais que de temps perdu  ! Tous ces arrêts de travail, ces allers et retours, avaient coûté une fortune à la production car le film était arrêté pendant ce temps.

Roquevert est allé voir le jeune directeur de production à l'origine de ce gâchis et lui a dit:

- Il ne suffit pas d'être jeune et ardent. Il faut parfois faire confiance aux anciens. Eux aussi connaissent leur travail  !  »

 

Allez, à plus !

 

 

 

 

 

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