J'ai publié cet article dans l'almanach du Breton 2005. Sans doute ne l'avez-vous point lu. Le voici donc...

 

Après la guerre 1914-18, la France a décidé de se doter d’une flotte digne de rivaliser avec celle des autres pays. C’est ainsi que seront construits plusieurs cuirassés dont le Richelieu, mis en chantier en 1935 à l’Arsenal de Brest, lancé en 1939. Son sister-ship le Jean-Bart sera mis en chantier fin 1936. C’est un navire énorme pour l’époque (35 000 tonnes), qui est construit dans la forme-écluse des chantiers de Penhoët à Saint-Nazaire.

Sa taille interdisant un lancement traditionnel, sa mise à flot se déroula par remplissage de la dite forme-écluse le 6 mars 1940. Nous étions alors dans ce qu’on a appelé “ la drôle de guerre ” et rien ne laissait prévoir ce qui allait se passer, c’est à dire l’écroulement de la France….

La sortie du navire était prévue le 1er octobre de la même année. Pour cela, encore du fait de sa taille, il était indispensable de creuser entre la forme-écluse et les eaux libres une tranchée d’un kilomètre de long sur une largeur de 70 mètres. Pour la profondeur, elle devait permettre au navire d’un tirant d’eau de 9 mètres de passer lors d’une grande marée. C’est dire l’ampleur de la tâche, très réalisable quand on a tout le temps devant soi……Mais ici ce n’était pas le cas.

Les travaux prirent du retard et il fut facile de comprendre que la sortie ne pourrait se dérouler à la date prévue. Pendant ce temps, l’Histoire était en marche. L’offensive allemande du 10 mai, l’enfoncement du front français, voilà Saint-Nazaire situé dans le rayon d’action des avions ennemis, et le Jean-Bart une proie d’autant plus facile qu’il est immobilisé.

Le choix est désormais clair : ne rien faire et attendre qu’il soit pris et utilisé par l’ennemi, ou bien le faire partir. Mais il n’est terminé qu’à 80% seulement. C’est un risque à courir, décide son commandant, le Capitaine de Vaisseau Ronarc’h. Dès lors, les travaux d’armement et de finition furent poussés. Jour et nuit, les hommes des Ponts et Chaussées de Nantes travaillèrent pour qu’une tranchée minimale permette le départ du grand navire.

Il y avait une grande marée seconde quinzaine de juin. C’était l’occasion où jamais car les Allemands se rapprochaient. L’opération était risquée car la tranchée était moins large que prévu. L’opération se déroulerait par nuit noire et sans repères. Toute fausse manœuvre condamnerait le bateau à l’échouage.

La nuit du 18 au 19 juin, des remorqueurs tirèrent le navire à travers l’étroit chenal. Il s’échoua deux fois, mais les remorqueurs réussirent à le dégager. Les machines furent mises en route vers 5 heures moins le quart, pour la première fois. C’est le moment que choisirent des avions allemands pour l’attaquer, sans dommages heureusement. Le cuirassé était maintenant dans l’estuaire de la Loire, il avançait à 12 nœuds.

A 6 heures 15, il rejoignit la pleine mer où son escorte le retrouva : les torpilleurs Hardi et Mameluck, puis l’Epée. Les Anglais l’attendaient avec des navires pour le conduire en Grande-Bretagne. Le commandant Ronarc’h déclina cette offre (nous n’étions qu’en 1940 !…….) et le Jean-Bart, après avoir été ravitaillé en mazout, continua sa route vers Casablanca où il arriva le 22 juin.

Les Allemands étaient entrés dans Saint-Nazaire quelques heures après le départ à la sauvette du navire. Il était temps !……

 

Allez, à plus...

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